Comprendre la promotion pharmaceutique, un manuel pour les médecins

La promotion pharmaceutique influence-t-elle le jugement du médecin ?

Un manuel pratique édité par la HAS, 181 pages indigestes, même pour un toubib

Les médecins sont régulièrement visités par les commerciaux des labos, ces commerciaux portent le joli nom de « délégués médicaux » ou « visiteurs médicaux » et nos chers médecins, et apprentis médecins sont fortement influencés par ces vendeurs de médoc qui vantent les mérites de telle ou telle nouvelle molécule des labos pharmaceutiques. Cela voudrait-il dire que nos médecins de famille sont conditionnés par les labos ?

Certains médecins diront que c’est faux, d’autres diront que ce sont les « autres » médecins qui sont conditionnés mais pas « eux », d’autres encore n’auront pas d’opinion et certains n’acceptent même plus de recevoir ces commerciaux…

La HAS veut aider les médecins à y voir plus clair pour comprendre les méthodes des labos

Ces pratiques de promotion des médicaments sont tellement orientées vers les bénéfices que peuvent faire les labos que la HAS vient de sentir obligée d’éditer un guide pratique pour informer et mettre en garde les professionnels de santé (et les étudiants en médecine) contre les pratiques mafieuses des labos afin que nos braves médecins ne tombent pas dans le piège de prescrire des médicaments rentables pour l’industrie pharma plutôt que des médicaments utiles à leurs patients. Ce manuel de 181 pages contient également des exercices pratiques à l’intention des étudiants en médecine pour que ceux-ci comprennent bien comment l’industrie procède pour les manipuler et les conditionner.

Le BonCoinSanté a décortiqué les 181 pages de ce manuel à destination des médecins, après plus de 3 heures de lecture et de prise de note, et afin de vous éviter ce même supplice, voici quelques passages les plus intéressants et digérables par le grand public, ces extraits n’ont volontairement pas été modifiés, nous y rajoutons simplement notre avis perso sous « remarque de l’auteur » après chaque passage.
Vous allez comprendre comment cette Haute Autorité de Santé (HAS) qui ne l’oublions pas est constituée de professionnels de santé dont plus de 80 % ont des conflits d’intérêts avec ces mêmes labos, s’adresse aux médecins et futurs médecins. Même si ce manuel a obtenu le prix Prescrire 2013, cela reste une fumisterie de première, de toute façon cette brochette de pseudo pro de la santé que constitue la HAS ne va pas critiquer une industrie qui les fait vivre, et bien vivre.

Voici un résumé de ce manuel pratique de 181 pages à destination des toubibs

(P21) Activités visant à augmenter les ventes
Plusieurs procès ont entraîné la publication de documents internes faisant ressortir la variété des activités utilisées pour augmenter les ventes de médicaments….()…La promotion d’utilisations non autorisées d’un médicament est illégale dans certains pays. Le problème avec la promotion de médicaments pour des utilisations non autorisées est que l’entreprise n’a pas fourni à l’Agence nationale du médicament de preuves de l’efficacité ou de la sécurité de ces utilisations. Dans de nombreux cas, le médicament n’a pas été testé de façon adéquate et il se peut que ses bénéfices potentiels ne compensent pas les risques potentiels…

Remarque de l’auteur : En gros on essaye de faire comprendre aux braves toubibs que les médocs qu’ils prescrivent sont souvent de la simple m….vendue à prix fort.

(P31) Sentiment d’invulnérabilité

De nombreux professionnels de santé croient qu’ils ne sont pas influencés personnellement  par la promotion pharmaceutique, mais que leurs collègues le sont. Par exemple, lors d’une enquête, on a demandé à des internes en fin de formation (spécialité : médecine interne) quelle influence les délégués médicaux avaient sur leur prescription. Comme le montre le graphique ci-dessous, les avis différaient beaucoup selon que les influences concernaient leur propre prescription ou celle de leurs confrères.

Enquête menée auprès de praticiens hospitaliers relative à l’influence des délégués médicaux

Influence des labos sur les médecins

Des psychologues ont constaté qu’il est normal de croire que seuls les autres sont vulnérables aux techniques promotionnelles et peuvent être induits en erreur. Cela s’appelle l’illusion de l’unique invulnérabilité.

Remarque de l’auteur : moi j’appelle ça de la malhonnêteté

(P36) L’utilisation de cadeaux

L’industrie pharmaceutique fournit de nombreux types de cadeaux aux professionnels de santé, allant des stylos aux repas, à prise en charge de la FMC, au financement de la recherche, aux honoraires de consultants ou d’intervenants et aux voyages vers des destinations exotiques…

Qu’est-ce qui explique le pouvoir des cadeaux, même petits, pour modeler ou manipuler le comportement ? L’intérêt personnel n’est pas toujours le seul ou même le principal facteur en jeu. Les entreprises pharmaceutiques savent, alors que les professionnels de santé l’oublient  souvent, qu’une grande partie de la vie sociale est basée sur la réciprocité. Le besoin de rendre avantage pour avantage, gentillesse pour gentillesse, et faveur pour faveur est une motivation basique dans pratiquement toute société humaine.

Remarque de l’auteur : Quel que soit la profession un homme est un homme et il répond aux mêmes émotions…

(P57) Illustrations et images contenues dans les publicités

Les illustrations et images publicitaires dans les revues peuvent contribuer à façonner la vision que les médecins ont des patients. Certaines représentations sont couramment utilisées : victime désemparée d’une maladie, partenaire dans le développement d’options thérapeutiques, personne exigeante, personne intelligente ou émouvante. Les images utilisées dans la publicité peuvent également influencer la vision que les médecins et les pharmaciens ont d’eux-mêmes, par exemple, des professionnels attentifs et capables de résoudre le problème d’un patient.

Ces images peuvent renforcer ou mettre en cause les préjugés existant dans la société sur différents groupes de personnes. Les photographies et les images peuvent également servir de métaphores dans la mesure où les publicitaires cherchent à identifier leurs produits à une image particulière, par ex. un fabricant d’antidépresseur peut souhaiter identifier son médicament à des images lumineuses symbolisant la guérison. L’utilisation de métaphores tend à rendre la maladie unidimensionnelle et à faire du traitement une modalité unique (médicaments), sortant ainsi la maladie de son contexte social et niant simultanément le rôle de toute autre forme de thérapie.

Remarque de l’auteur : No comment

(P70) Les délégués médicaux sont récompensés si les chiffres de ventes augmentent.

Ils reçoivent souvent en complément de leur salaire une prime basée sur les ventes réalisées. Quelquefois, les primes constituent un pourcentage important de leur rémunération totale…

Remarque de l’auteur : Les médecins également sont récompensés par les labos sous forme de prime annuelle qui peuvent atteindre 30 000 euros en fonction des traitements, vaccins et examens qu’ils ont prescris durant l’année…

Rajout du 18 mars 2015

Rien qu’en France entre janvier 2012 et juin 2014, ce sont plus de 245 millions d’euros en cadeaux de toute sorte qui ont été offerts aux médecins par Big pharma. A noter que la loi interdit ce type de cadeau, alors ou est le souci ?

L’association Regards citoyens publie une liste de cadeaux offerts aux médecins par les labos. Ces données confortent l’idée d’une profession gangrénée et achetée par l’industrie pharmaceutique.

Les laboratoires arrosent en priorité les médecins, qui bénéficient de 80% du montant des cadeaux, ensuite les associations de santé (4%), les pharmaciens et infirmiers (4%) et les fondations (3%).

(P72) Techniques d’influence

Les enregistrements sonores de délégués médicaux visitant des médecins montrent qu’ils utilisent fréquemment cinq types principaux de techniques d’influence qui ont été identifiés par des spécialistes en psychologie sociale. Les cinq techniques sont : confiance accordée aux experts, confiance accordée aux pairs, confiance accordée aux gens que nous aimons, cohérence d’engagement, et cadeaux…

(P86) Promotion destinée au grand public : Répondre aux demandes des patients

Depuis les années 1990, les fabricants de produits pharmaceutiques se lancent de plus en plus dans la promotion de leurs médicaments directement au grand public. Ce marketing a montré qu’il donnait lieu à davantage de prescriptions et qu’il augmentait par conséquent les ventes de médicaments… Cela a également de fortes implications pour la perception des médicaments par le grand public et les relations entre patients et professionnels de santé…()…La promotion déguisée est également courante, sous la forme de communiqués de presse et de vidéos promotionnels, avec la couverture de l’actualité qui en résulte. Les campagnes publicitaires ciblant le grand public sont ainsi devenues une réalité dans de nombreux pays malgré leur statut légal parfois douteux.

Remarque de l’auteur : l’industrie à bien comprise le pouvoir de la pub, et le patient va demander à son médecin de lui prescrire LE MEDOC magique qu’il a vu à la TV, et si le médecin ne veut pas le patient ira voir un autre toubib, donc le médecin donne au patient ce qu’il souhaite de peur de perdre un client.

(P96) Formation ou marketing ?

Dans quelle mesure la publicité peut-elle bien informer le grand public sur les bénéfices et les risques des médicaments et leur contribution à la thérapie ? En 2000, des chercheurs ont publié une analyse de plus de 300 publicités parues dans des magazines sur une période de dix ans, portant sur la présence ou l’absence de l’information essentielle requise pour participer à un choix thérapeutique en connaissance de cause. Ils ont constaté que le nom et l’indication (usage autorisé) du médicament étaient presque toujours indiqués, mais que d’autres informations nécessaires manquaient souvent :

  • 90 % des publicités omettaient d’indiquer la probabilité de succès thérapeutique
  • 80 % ne faisaient aucune mention d’autres mesures utiles, comme un régime ou l’exercice physique
  • 70 % ne mentionnaient pas les causes ou facteurs de risque pour le trouble traité
  • 70 % omettaient de mentionner les autres traitements possibles
  • 60 % omettaient toute information sur le mode d’action du médicament. Les auteurs n’ont pas examiné l’exactitude, l’exhaustivité ou la pertinence de l’information fournie, mais seulement sa présence ou son absence

Remarque de l’auteur : No comment !

(P99) Ce qui est omis est aussi important que ce qui est dit

Que cela se produise dans un environnement où la publicité de médicaments sur ordonnance est légale ou sous la forme de messages promotionnels sans nom de marque quand la publicité sous nom de marque est illégale, certains messages – et certaines omissions – dans la publicité pharmaceutique sont prévisibles. Le message est généralement qu’une personne a un problème de santé assez sérieux, mais qu’un nouveau médicament peut le résoudre. Les images de succès du traitement suggèrent habituellement que le médicament est efficace 100 % du temps. L’efficacité est ainsi trop mise en avant. Inversement, les risques connus et inconnus et les dommages liés aux soins sont généralement omis ou minimisés.

Quand les personnes voient quotidiennement des publicités pharmaceutiques à la télévision, elles entendent de façon répétée le message : « demandez à votre médecin » le nouveau médicament qui peut vous aider. Elles reçoivent aussi régulièrement le message selon lequel un médicament peut être la solution à leurs problèmes. Même si une personne ne pense pas consciemment qu’il y a « une pilule pour tous les maux », le fait de voir un message quotidiennement peut faire évoluer sa perception des médicaments.

Remarque de l’auteur : Le médecin est devenu une marionnette qui prescrit les médocs vendus par les labos et les pharmaciens des dealers de drogues autorisées…Autorisées par la HAS bien sûr… la boucle est bouclée.

Conclusion

J’attends avec impatience les témoignages des professionnels de santé pour savoir combien de temps ils ont passé sur ce torchon de 180 pages. Ce manuel pratique aurait pu être résumé en 30 ou 40 pages en occultant les exercices, les réf aux pays anglophones, les sources et autres grands discours inutiles qui aurait fait de ce manuel un réel guide facile et « pratique » à destination des médecins. Mais là je crains fort que ce ne soit un coup d’épée dans l’eau, car très peu vont s’attarder à lire cette mascarade. Si la HAS veut réellement s’employer à instruire les toubibs sur les pratiques mafieuses des labos, il semblerait judicieux d’utiliser les mêmes armes que ces derniers, mais ça c’est une autre histoire…

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